Le mot du mois est consacré à l’histoire et au rôle du muezzin. Figure incontournable de la vie quotidienne au Proche-Orient, le muezzin est particulièrement chargé de délivrer les appels aux cinq prières quotidiennes depuis le minaret. Selon ses qualités vocales, il éclairera donc vos journées avec sa belle voix, ou mettra au contraire fin à toute possibilité de silence apaisant au delà de quelques heures …Les deux n’étant pas incompatibles !

Un peu d’éthymologie…

Muezzin, en arabe, ça s’écrit  مؤذن . En tout rigueur, ça ne se prononce pas bêtement « muezzin ». Si vous arrivez à glisser habilement votre langue entre vos lèvres, vous réussirez à le prononcer comme il se doit:  « MOU’AITHIIIN » , avec un TH comme dans « thing » en anglais. Vous vous souvenez de vos laborieux cours d’anglais en collège. voilaaa! Cela fait qu’ en toute rigueur, muezzin devrait se transcrit … 

Bon, maintenant que vous avez repeint votre écran d’ordinateur avec votre salive et que vous savez prononcer et écrire « muezzin », passons à la suite avec quelques anecdotes sur cette fonction incontournable en Islam.

Le muezzin…quelle est son histoire?

D’où vient ce mot, « muezzin »   ou muʾaḏḏin ? La langue arabe est structurée avec un principe de racines de lettres, permettant de connoter le mot. Muezzin signifie « celui qui appelle ». Ce mot contient ainsi la même connotation que « aḏḏan » , qui désigne l’appel à la prière pour les musulmans. Et muʾaḏḏin comme aḏḏan sont eux-mêmes proches de « i’ḏan », (oreille) , de »aḏina »  (écouter) !…Bref, on l’aura compris, que ce soit pour l’écouter …ou juste l’entendre, tout est ici question de son, et d’oreille !  

 

A quand remonte le premier muezzin? Selon des sources solides (un intéressant article d’Historia que je vous invite à découvrir içi), le premier muezzin remonte aux toutes premières années de l’Islam. Il s’agissait initialement d’un esclave affranchi qui fut racheté par Abou Bakr. Premier compagnon du prophète Mahomet, un des tous premiers convertis à l’Islam, Abou Bakr deviendra en 632 le premier Calife de l’histoire, à la mort de Mahomet. Le premier appel à faire le pèlerinage à la Mecque fut lancé par ce muezzin, vers 629 ou 630, après que les toutes première forces islamiques se furent emparé de la Mecque;

Le premier muezzin est-il bien un arabe? Non, car cet esclave affranchi était originaire d’Abyssinie (aujourd’hui, Ethiopie – Erythrée- Soudan). Il s’appelait Bilal ibn Rabah, et était donc noir de peau. Ce détail a a certainement eu un rôle dans le développement de l’Islam aux tous premiers temps. En effet, dans une Arabie pré-islamique où l’esclavage régnait en maître, voir un colosse noir, ex-esclave, appeler les croyants à faire leurs 5 prières quotidiennes, constituait à l’époque un symbole d’ouverture et de diversité…Et ce symbole fut ensuite largement repris dans l’hagiographie de l’islam. un seul exemple: allez juste faire un tour sur youtube avec le mot-clé  « Bilal ibn Rabah », et vous verrez combien l’image de l’esclave affranchi a pu être reprise, exploitée, (sur)vendue pour en mythifier la capacité de rassemblement.  Surtout si l’on creuse un peu le sujet de la traite arabe des esclaves, juridiquement autorisée jusqu’au XXème siècle (oui, oui, vingtième) par certains pays arabes (Maroc, Irak, Arabie Saoudite, Mauritanie).

Vis ma vie de muezzin

Muezzin et imam, kif kif? Non, 1000 fois non ! Le rôle de l’imam est de diriger la prière. Il est normalement légitime de sa par connaissance du droit islamique, des textes, et de la sunna. Imam vient de l’arabe « إمام », dont la racine signifie « celui qui est devant ». Pour résumer, un imam est étymologiquement celui qui se place devant les autres croyants pour diriger la prière.

Le muezzin, lui, est principalement chargé d’appeler les croyants à la prière. Il est donc recruté sur ses qualités vocales. Initialement, il s’agit de chanter assez fort et bien pour convaincre un maximum de croyants de faire le déplacement jusqu’à la mosquée. En plus d’être esclave affranchi, le premier muezzin, Bilal, était réputé être un colosse avec une voix de stentor.

Quelle est la fiche de poste du muezzin? 

Le muezzin appelle à la prière 6 fois par jour. 6, alors qu’il n’y a que 5 prières par jour en islam sunnite? et oui, car le premier appel (celui de la nuit, très tôt le matin, souvent avant 5 heures du mat…) est doublé – il faut être bien certain d ‘avoir réveillé tout le monde autour ! :-). Selon la tradition, l’appel se fait en se bouchant les oreilles avec les doigts, pour ne pas se laisser déconcentrer…

muezzin-agadir

un muezzin a Agadir

Et selon autre tradition, le muezzin est idéalement malvoyant voire aveugle, car il ne faudrait surtout pas qu’il puisse, depuis le haut de son minaret, observer la vie intime des gens. Il ne doit pas pouvoir observer les femmes évoluant sur les terrasses des maisons, dont les toits sont traditionnellement plats au Proche-Orient…

Le muezzin tient aussi un rôle lors de la prière, puisqu’il fait parfois écho aux prêches de l’imam. Enfin, le muezzin chante de moins en moins, puisque les appels à la prière sont souvent préenregistrés, et transmis par de puissants hauts-parleurs (les expats du Moyen Orient comprendront ce que je veux dire 🙂  ). Il est donc  souvent le factotum de la mosquée , et participe à la petite vie de la communauté alentour. Il n’est pas payé cher (une centaine d’euros en Egypte…) et n’est d’ailleurs juridiquement pas censé demander un salaire, puisque son travail est un acte de foi…

Gloires et les déboires du muezzin ? 

Tels des joueurs de foot, les muezzins sont souvent détectés et recrutés jeunes en raison de leurs qualités techniques. Les plus connus délivrent leurs premiers adhans dès l’age de 10 ou 12 ans. Parfois, ce don est héréditaire: certains , comme les Kazaz père et fils, muezzins de la célèbre mosquée d’al Aqsa, sont issus d’une dynastie datant de plus de 500 ans ! Et objectivement, l’aḏḏan de Firas Kazaz se laisse en effet écouter avec plaisir:

A l’inverse, les nouveaux venus au Proche -Orient peuvent ressentir un léger décalage culturel en découvrant qu’ici…on n’est pas maître de son sommeil ! :-). Pour le mythe, je suis donc obligé de vous montrer les déboires de notre ami Hubert Bonisseur de la Bath:

 

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Sur la même thématique « culture », poursuivez votre lecture chez nous avec:

Le mot du mois (février) : les Hachémites, kezako?

Le(s)  mot (s) du mois (mars) : keffieh et shemagh

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Et pour creuser :

les muezzins aujourd’hui: je vous conseille cet intéressant article de Claude Guibal, pioché dans Libération en 2009, sous le titre « Les muezzins s’amenuisent » (attention jeu de mot), ou encore ce reportage de Marie-Armelle Beaulieu, « muezzin de père en fils à al-aqsa » dans le Fig’ .

le mythe de Bilal ibn rabah: une biographie en anglais de Bilal ibn trouvée sur le site blakkpepper, site (ghanéen? ) générique d’informations centré sur les aspects ethniques;

et enfin, un très intéressant article déniché sur le site de Sciences Po Paris, tiré d’une recherche d’ Eran Tzidkiyahu sur la problématique du bruit crée par les appels à la prière en Israël…Entre liberté de culte, respect de l’autre, relations interconfessionnelles, géopolitique, le sujet est complexe, et les solutions adoptées varient considérablement selon les pays !

 

 

 


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