La Jordanie  ne manque pas de lieux magnifiques, idéaux pour randonner dans de belles et longues balades à pied ou en voiture…Le désert, les wadis, les montagnes, l’isolement…Ça fait rêver, n’est-ce pas? Mais pour y aller sereins et en toute sécurité, il faut savoir se poser les bonnes questions avant de partir…et savoir y répondre, pendant la balade :-).

Tout le monde ne s’appelle pas Mike Horn, mais personne n’est obligé de se faire appeler Gaston Lagaffe !

Voici donc quelques conseils à appliquer avant de partir, pendant la rando, et en toute circonstance.


Avant de partir

en 3 questions-clés…

Qui vient avec vous sur cette balade?

C’est une évidence, mais c’est une question à se poser AVANT d’être au milieu de nulle part avec ses amis ou sa famille. Certains sont à l’aise, d’autres non. Les uns ont le vertige, les autres laissent leurs enfants grimper partout. Auront-ils besoin de votre expertise, ou, au contraire, est-ce que c’est plutôt vous qui tirerez profit de leur expérience?

Avant de partir , il est bon de connaître la condition physique de chacun, et même les contre-indications médicales particulières que certains pourraient avoir. Car s’apercevoir par exemple d’une crise de diabète à 3 heures de l’hôpital le plus proche peut rapidement devenir un problème majeur! La compétence technique est également un facteur primordial, et peut parfois nécessiter un entrainement AVANT d’être en balade (exemples: équipement d’escalade, descente en rappel, canyoning…)

Enfin, pour les groupes importants, la notion de leader est importante. La norme veut que celui qui organise la sortie soit le leader,..Mais parfois, des décisions à prendre sont liées par exemple à des compétences techniques détenues par d’autres personnes dans le groupe, ce point doit être évoqué clairement et le pouvoir doit être “délégué”.

Quand tout va bien, les lignes précédentes sont abstraites. Croyez-nous, elles le seront beaucoup moins si les choses se compliquent, car le manque de cohésion deviendra alors criant. Chacun doit en être conscient avant de partir, et tout groupe en difficulté a besoin d’un(e) leader (‘suffit de regarder “the Island” ou “Koh Lanta”, pour s’en convaincre 😉 ).

Des réponses à ces questions, dépendront la configuration de votre randonnée ou de votre sortie 4X4. On ne tente pas la même chose, ni avec la même exposition, selon que l’on soit accompagné de Sébastien Loeb, ou de sa belle-mère!

Et la météo dit quoi?

En vacances, sous le ciel bleu, ou dans le désert, il est tentant de se dire “il va faire beau”. Et d’ailleurs, en Jordanie, c’est vrai dans 99% des cas de mai-juin à octobre inclus, soit la moitié de l’année. Mais cela n’empêche pas de se poser quand même la question, pour 2 raisons principales : la pluie, et la chaleur.

La pluie? oui, à cause des crues (les fameux “flash-floods”), et celles-ci sont dangereuses. Cette vidéo, filmée au moyen Orient, devrait vous convaincre :

Nous sommes friands de balades dans les fameux “wadis”, et recevons beaucoup de questions à leur sujet. Parfois, on nous demande si on peut faire le wadi Ghuweir (ici), ou encore le wadi Numeira (là), en plein hiver. Nous répondons immanquablement que nous déconseillons formellement les wadis encaissés, dès lors qu’un risque de pluie existe, même parfois 50 kms en amont de la balade.

Deux exemples tragiques rien qu’en 2018 : au moins 20 jordaniens morts le 25 octobre 2018 vers Wadi Ma3in. Auparavant, en avril 2018, 10 adolescents avaient décédés à Nahal Tzafit en Israël, après avoir été emportés par une flash flood…

La chaleur? C’est une évidence, mais en Jordanie, l’été est chaud. Et le désert du Wadi Rum, est un..désert …Quand il fait 30 ° à Amman (900m d’altitude), le thermomètre affichera avec certitude une bonne quarantaine de degrés à la mer morte (-400m). Il faut donc prendre de l’eau , et en abondance, et tant pis si cela vous fait mal au dos. Un chiffre à retenir : la consommation minimale par personne par temps chaud sera de l’ordre de 0.5l à 1 l par heure…

Exemple : en visite en Jordanie au mois de juillet, vous êtes une famille de 4 et vous comptez marcher 12 kms (soit 3 à 4h d’effort avec les enfants, sans compter les pauses)?

Réponse : il vous faut au minimum 4X0.5X (3 à 4) = 6 à 8 litres d’eau…

Déjà vu : il nous est arrivé de croiser des gens avec une bouteille de 0.5l sur une rando de 15kms, en plein mois de juin, en dehors de tout ruisseau ou de point d’eau…


Pendant la sortie:

En 2 questions-clés…

Est-ce que j’ai la maîtrise des facteurs “temps” et “espace” ?

Cela revient à se poser deux questions distinctes:  “suis-je à la bourre,  ou pas?“, et “Suis-je perdu, ou pas encore?”.  Si la réponse à ces 2 questions est “non”, pas de souci. Si c’est “oui”, ou même “peut-être”, il est déjà urgent de penser à la suite, afin de retrouver la maîtrise de l’horloge et du lieu.

Pour le “où suis-je?” , il y a suffisamment d’outils et d’applications permettant de se situer avec précision, sans surcoût, et parfois même hors ligne, sans besoin de réseau. Par exemple, l’application gratuite Osmand fonctionne en tout temps et en tout lieu, et permet de naviguer avec précision et fiabilité. Nous en avons fait le débrief complet lors d’un week-end test dans le Wadi Rum (lien vers article), et nous considérons désormais que cette application est indispensable.

D’autres solutions existent, comme google maps, ou waze (mais nécessite réseau GSM…). Oubliez-les dès donc à présent : elles sont parfaitement inadaptées à la randonnée et à la conduite tout terrain, .

Enfin, il est important d’avoir une redondance sur les moyens de se repérer : votre téléphone peut se casser sur un rocher, ou tomber dans l’eau, ou se perdre…Il ne s’agit pas de se transformer en Mike Horn, mais d’avoir au moins UN autre moyen de savoir se repérer.

Voici une courte liste d’idées possibles, utile en Jordanie…ou partout ailleurs !

Est-ce que je sais me déplacer?

A pied, il suffit…de marcher. Parfait. Dans ce cas, il faut juste savoir anticiper la fatigue croissante de l’ensemble du groupe, selon la logique bien connue du “maillon faible”. Soyez attentif à lui (ou elle), car c’est de ce maillon que dépendra la vitesse du groupe, une fois la fatigue survenue…Un excellent randonneur fait du 5 à 6 km/h, un marcheur fatigué fait tomber la moyenne à 1 ou 2 km/h. Saurez-vous porter votre enfant quand il fatiguera au retour? Oui? Non? prenez cette donnée en compte. Car si cela arrive, le temps de votre trajet retour sera peut être doublé…

En voiture, c’est différent. Le seul maillon faible est la voiture elle-même . Mais au fait…Est-elle en bon état? Et savez-vous la conduire, dans le sable, la poussière, voire la boue? Les techniques de déplacement en 4X4 s’acquièrent, et l’on n’a pas la prétention de les maîtriser….On va donc se limiter à quelques principes de base:

  • il faut au minimum connaitre la signification des voyants, savoir changer une roue (ce qui nécessite de savoir où se trouve le matériel de secours et de vérifier s’il marche…). Ceci est aussi vrai pour une voiture de location, et pas qu’en 4X4 😉 ;
  • Le gonflage des pneus est une vraie question. Sur route, 2.5 bar minimum. Mais sur le sable, cela peut descendre en dessous de 1 bar !  En gros, sol mou (sable, boue) = dégonfler les pneus, sol dur (cailloux) = gonfler les pneus.
  • Dans le sable, la voiture chauffe…pour ne pas tout casser, le matin en repartant, veillez à laisser tourner le moteur une dizaine de minutes pour chauffer l’huile…et de même si vous êtes ensablés : laissez tourner le moteur pour éviter la surchauffe!
  • Sur la technique de conduite, aller voir les innombrables didacticiels faciles à trouver sur YouTube : éviter le sur-régime, éviter l’ensablement, maîtriser les dangers des dunes, les risques de retournement, savoir remorquer et se faire remorquer, se désensabler…
  • Il faut un minimum de matériel technique dès lors que l’on sort des sentiers battus. Voici ci-dessous le top 6 de ce qu’il faut mettre dans votre voiture avant d’aller à l’aventure. Si c’était à refaire, on aurait acheté tout cela avant de partir de France ! 🙂 :


En toujours savoir rester en sécurité

En 3 questions clés…

Est-ce que je peux communiquer, avec qui, et comment?

Quand on va se promener loin, et longtemps, cela entraîne deux conséquences différentes:

  • isolement physique : pas de contact visuel ou auditif avec quiconque;
  • impossibilité de communiquer à distance: téléphone cassé, ou pas de réseau…

Bien sûr, les suites d’un accident ou d’un incident peuvent être plus graves lorsque ces deux critères se cumulent. On va donc chercher à limiter la durée de ces périodes, ou du moins à savoir en limiter l’impact.

Cela passe par quelques principes simples, et un tout petit peu de matériel:

  • Comme en montagne ou en mer, signifiez vos intentions avant de quitter votre étape précédente (camp, hôtel, restaurant). Renseignez-vous sur les conditions de votre balade;
  • Vous serez probablement amené à croiser du monde…ou du moins, vous serez certainement vu, car les bédouins sont presque partout. Faites leur un signe, voire, faites un petit détour pour discuter 2 minutes, y compris si vous ne parlez pas arabe. Outre l’aspect pratique  (réduire le temps d’isolement), cette approche est surtout culturelle : au Levant, l’on est censé prendre des nouvelles de l’autre , et aller saluer celui qui était là avant vous. En échange, celui-ci , s’il vous accueille, doit même vous protéger (voir içi cet article dédié à quelques surprenantes traditions bédouines);
  • le téléphone portable: “ça ne mange pas de pain”, comme disait ma grand-mère, de vérifier de temps en temps l’état de votre réseau. Ça ne mange pas de pain non plus de prendre deux téléphone, juste au cas où…Et enfin, il est bon de repérer le dernier endroit où l’on est certain de la bonne réception;
  • petite astuce linguistique : installez-vous l’application “reverso” ou google translate, pour être certain de savoir échanger quelques mots avec le berger du coin.
  • améliorer vos chances de communiquer : voir en image une courte liste d’idée possibles..de quelques centaines de mètres (le sifflet), à l’autre bout du monde, ou presque ! (téléphone satellite 🙂 )

Est ce que je peux gérer une urgence médicale?

Bien sûr, tout le monde n’est pas médecin ou infirmier…Mais cela n’empêche pas d’adopter quelques principes simples. Savoir gérer une urgence médicale se décompose en effet en deux choses différentes : connaître les réactions à avoir pour faire face aux pépins prévisibles, et posséder le matériel ad-hoc pour ce faire ! 

On se gardera de donner des conseils sur les gestes techniques de secourisme : il est de la responsabilité de chacun de se documenter sur le sujet. En revanche, sur la partie matérielle, voici ce qui nous parait être indispensable à prendre avec soi, en circonstance. Notre suggestion est de préparer deux types de trousses d’urgence, selon la configuration de la sortie:

  • option “light”: trousse pour tout déplacement en dehors d’Amman, ou pour une randonnée courte: crème solaire, compresses , pansements pour ampoule, elastoplast, gel désinfectant, couverture de survie, ibuprofène ou équivalent;
  • option “sortie longue”. Le même matériel, avec en plus la capacité à gérer:
    • la bobologie ++  (compresses, dosettes de désinfectant biseptine spray, solution oculaire, pansements de toute taille, pince, ciseaux,…)
    • les chutes/contusions (arnica/crème/bandages/attelle souple/anti inflammatoires/poche de froid),
    • les ennuis gastriques (spasfon/ smecta/etc)
    • les brûlures (biafine/bétadine),
    • les piqûres et allergies (du moustique jusqu’au scorpion : crèmes, sprays, anti-histaminiques)
    • la douleur (pour adultes, et dosettes enfant de doliprane).

Ne faites pas l’économie de celles-ci, il est facile de trouver des trousses déjà pré-équipées, auxquelles il faudra ajouter un complément. Les deux trousses que l’on a ressemblent donnent toute satisfaction, on les trouve a 20 – 30 euros sur n’importe quel site de vente en ligne.

Est ce que je sais répondre à la question : “si on a un souci maintenant, on fait QUOI?”

C’est un peu la synthèse de toutes les questions précédentes…Sans devenir paranoïaque ni inquiéter vos proches, il est bon de se poser régulièrement cette question en son for intérieur. Il faut aussi se dire que l’accident peut arriver…à soi-même, ce qui suppose que sa famille et ses proches sachent aussi se débrouiller pour conduire (y compris en 4X4!), pour soigner, pour prévenir…

dernière anecdote en forme de conclusion : l’autre jour, je me suis fait piquer par un scorpion, en pleine nuit, à 300 kms d’Amman, hors couverture téléphonique, et à 20 kms de la route la plus proche. Suite à cela, on s’est dit qu’un partage d’expérience ne serait pas inutile 🙂 .


Et oui, la rando nature est avant tout un sport d’équipe ! Merci de nous suivre. Enjoy, and share 🙂


familyinjordan

Une famille qui découvre la Jordanie et le Monde. Suivez notre blog sur la Jordanie : nature, voyage, culture et rencontres sont tout ce qu'on aime !

5 Comments

François · 26 octobre 2018 at 19:31

Bonjour,
Décidément je vous lis beaucoup ces temps ci !
Bel article bien documenté qui sent le vécu
Une question reste en suspens …… qu’avez vous fait suite à la piqure du scorpion ?
Bonne soirée
François

    familyinjordan · 26 octobre 2018 at 19:45

    On a immédiatement fouillé le camp, pour le retrouver et l’identifier. Il m’a piqué de nuit, et je me doutais que sa taille était réduite car j’ai peu senti son poids sur ma main au moment de la piqure.
    Après l’avoir retrouvé caché sous mon tapis de rando, je l’ai pris en photo…et tué. On a ensuite guetté, éveillés bien sûr, les conséquences de la piqûre dont on pressentait qu’elle ne serait pas trop grave, car seule une espèce est mortelle içi, et elle est assez reconnaissable. En se tenant prêt à lever le camp pour aller voir le bédouin avec qui j’avais discuté durant l’après midi, voire au village le plus proche…
    Après une première phase de doute (sentir le venin dans la main, puis un peu moins dans le bras, puis encore un peu moins dans le tronc), on a compris que ce ne serait pas trop grave et qu’il n’y aurait pas de choc anaphylactique.
    Mais les 3 leçons qu’on en tire sont : 1 ne plus bivouaquer par terre, même sur des matelas doublés d’une natte de 4MX5M , 2 acheter des minis lits de camp (on en trouve à une quarantaine d’euros, et 3 renforcer la dose d’anti-histaminiques dans notre pharmacie (on précise que les enfants, eux, dorment toujours dans la voiture ! 🙂 )

    Renseignement pris, un français qui a passé 30 ans dans le désert n’a connu que 4 cas de piqûres de scorpions. On a donc peut être joué le joker piqûre pour un bout de temps, mais bon…:-)

      François · 26 octobre 2018 at 21:15

      ……. moi qui m’imaginais le couteau qui entaille la peau au droit de la piqure, la séance d’aspiration et puis les fièvres et le délire pour se réveiller dans la tente d’Ali Ibn Kharish 😉
      Non je plaisante, mais j’ai bien noté : ne pas dormir au sol + avoir un anti-histaminique avec soit dans la pharmacie de marche.
      A bientôt
      François

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