En ce début d’année 2024, nous vous proposons de faire le point sur la sécurité en Jordanie. Le pays est-il safe ? Est-ce prudent d’être si près de la zone de conflit ? Pourrai je visiter le pays dans son intégralité ? Les sites touristiques sont-ils ouverts ?…
On répond à toutes vos interrogations (du moins, on va essayer!).
Petit point historique
Avant toute chose, il nous paraît important de faire la point sur l’histoire de la Jordanie (et son voisin).
Nous n’allons pas vous faire un cours magistral mais seulement quelques éléments de compréhension. Nous nous excusons d’avance auprès des férus d’histoire pour les raccourcis. L’objectif est de comprendre grosso-modo les relations entre les 2 pays et nous sommes bien conscients que celles-ci sont bien plus complexes que ce court récit.
la création d'Israël et de la Jordanie
Suite à la 1ère Guerre Mondiale, la France et le Royaume-Uni se partagent des bouts de l’ex-Empire Ottoman. Ça date même de pendant la Guerre, puisqu’il s’agit des accords (secrets) de Sykes-Picot signés en 1916, mais comme on a dit que l’on allait faire simple et efficace, on s’octroie le droit de dire que ça commence après la 1ère Guerre Mondiale. Donc, la France récupère un mandat sur la Syrie et le Liban tandis que le Royaume-Uni est responsable de la Palestine et la Transjordanie (actuelle Jordanie, la délimitation entre les deux étant le Jourdain).
On vous épargne l’épisode de la Grande révolte arabe (1916-1918), si vous voulez en savoir plus, vous pouvez lire cet article sur les films tournés en Jordanie dont le fameux « Lawrence d’Arabie ».
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25 ans après, en 1946 pour être précis, la partie appelée « Transjordanie » sous le mandat britannique obtient son indépendance. Et oui, après les efforts fournis pendant la guerre par les colonies et les revendications des colonies/territoires sous mandat britanniques, les anglais sentent que c’est le moment de lâcher les territoires qui étaient jusqu’à lors sous son contrôle. La Transjordanie (on l’appellera très vite Jordanie) voit donc le jour le 22 mars 1946. La Palestine suit peu de temps après puisque le 15 mai 1948, le Royaume-Uni met fin à son mandat. Et c’est là que ça commence sérieusement à se compliquer.
La 1ère guerre israélo-arabe
La découverte de la Shoah a bouleversé le monde et la toute nouvelle Organisation des Nations Unies (ONU) décide, le 14 mai 1948, de créer un état juif en Palestine,. Le plan de partage de l’ONU prévoyait que 55% du territoire de la Palestine soit pour le nouvel état d’Israël. Mais la Transjordanie (et les autres pays arabes) ne souhaitent pas de partition du territoire palestinien et les anglais déguerpissent rapidement laissant les juifs et les arabes de Palestine en face à face.
La réponse ne se fait pas attendre : les pays arabes (Egypte, Syrie, Irak et Jordanie) attaquent le nouvel état d’Israël, c’est la 1ère guerre pour Israël (appelé aussi « Al Nakba » par les Palestiniens qui se traduit par « la catastrophe »).
Israël sort gagnant de cette guerre puisque le nouvel état contrôle plus que les 55% initiaux du territoire de la Palestine. Cela renforce son état de droit et tend encore plus les relations entre israéliens et palestiniens. Toutefois, la Jordanie annexe la Cisjordanie et l’Egypte la zone de Gaza. Le conflit entraîne un exode massif puisqu’environ 700 000 habitants fuient et se réfugient en Jordanie. Cette répartition du territoire tiendra jusqu’en 1967. La défaite arabe va coûter chère à ses dirigeants puisqu’en Egypte, le 1er ministre est assassiné puis un coup d’état renverse le roi. En Syrie, le président est renversé par un coup d’état militaire et le roi jordanien Abdallah 1er (arrière-grand-père de l’actuel roi) est assassiné.
la 2ème guerre israélo-arabe
Les choses n’en restent pas là puisque qu’une deuxième guerre éclate entre Israël, l’Egypte, la Syrie et la Jordanie du 5 au 10 juin 1967. C’est la fameuse guerre des 6 jours. Israël a maintenant une armée équipée et performante et annexe en quelques jours la péninsule du Sinaï et la Bande de Gaza qui étaient avant sous contrôle égyptien mais également la Cisjordanie et le plateau du Golan (à la frontière avec la Syrie).
Une nouvelle vague de réfugiés déferle en Jordanie. Environ 300 000 palestiniens se rajoutent au 700 000 de 1948. On comprend mieux pourquoi 70% de la population jordanienne est d’origine palestinienne.
source : annabac.com
Un conflit du Proche-Orient : la guerre des Six Jours (1967) – Annales Corrigées | Annabac
Septembre noir
Dans ce contexte, le pouvoir même du Roi Hussein (petit-fil du Roi Abdallah 1er assassiné et père de l’actuel Roi Abdallah II) est en danger. En effet, l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) menace sa souveraineté et tente de l’assassiner. Le roi décide de se débarrasser des activistes palestiniens sur son territoire et attaque les camps de réfugiés où étaient regroupées les organisations palestiniennes de l’OLP dont le Fatah. D’autres groupes sont nés pendant cette période comme les Fedayin (commandos) qui sont les ancêtres du Hamas.
Les organisations palestiniennes vont trouver refuge au Liban.
La Syrie envisage d’aider les groupes palestiniens mais la Jordanie demande de l’aide aux américains et à quiconque veut bien les aider… Et devinez qui vient l’aider ??? Israël qui se dit sans doute que ça serait, peut être, bien d’avoir un ennemi de moins dans le coin.
Que se passe-t-il après ?
En 1973, c’est la 3ème guerre pour Israël : la guerre du Kippour. L’Egypte et la Syrie attaque Israël par surprise. Si les deux premiers jours, les forces arabes dominent le conflit, Israël, passé l’effet de surprise, reprend le dessus et va même jusqu’à traverser le canal de Suez et pénétrer profondément en Syrie. Les deux grandes puissances mondiales (Etats-Unis et URSS) demandent alors un cessez le feu. Les accords de paix (accords de Camp David) permettent à l’Egypte de récupérer le Sinaï et de normaliser sa relation avec Israël : elle n’attaquera plus l’état hébreu et la frontière sera réouverte entre les 2 pays. Vous remarquerez que dans ce conflit, la Jordanie n’intervient pas directement. Tout au plus envoie-t-elle une brigade en Syrie pour soutenir son voisin lorsqu’Israël pénètre sur le territoire syrien. Le roi Hussein abandonne toute revendication sur la Cisjordanie et reconnaît l’OLP comme force légitime pour représenter le peuple palestinien.
20 ans après, un traité de paix israélo-jordanien est signé (en 1994) mettant fin à plus de 40 ans de conflit entre les 2 états. La Jordanie et l’Egypte sont les seuls pays frontaliers d’Israël à reconnaître le pays. La plupart des autres pays arabes ne reconnaissent pas l’existence de l’état hébreu (actuellement seulement 6 états du monde musulman ou arabe sur une trentaine le reconnaissent).
Alors ? Est ce que je peux visiter la Jordanie sans risque ?
En l’état actuel des choses : OUI !
Bien sûr, nous ne sommes qu’une famille qui s’intéresse au pays et nous n’avons pas d’espions dans les arcanes du pouvoir, mais pour l’instant la situation est stable et la Jordanie n’a aucun intérêt à entrer dans le conflit. Elle est en paix avec Israël et alliée (économique et militaire) des Etats-Unis et des puissances occidentales.
Donc les sites touristiques sont ouverts ?
Oui, tous les sites touristiques sont ouverts, aux heures habituelles et vous aurez même des conditions de visite optimales car avec peu de touristes. Et croyez nous : visiter Pétra et découvrir le Khazneh avec 5000 autres personnes, ça casse un peu l’ambiance « Indiana Jones »! Vous n’aurez pas d’attente à l’entrée et pourrez faire des photos tranquillement sans devoir mettre votre téléphone sur la tête de votre prédécesseur en mode « concert » (c’était vraiment le cas en 2022 où Pétra a accueilli 900 000 visiteurs soit plus de 2500 touristes par jour mais comme il y a des périodes creuses (hiver et été), vous imaginez bien qu’on frôlait très certainement les 10 000 visiteurs certains jours…). Si vous hésitez sur la période pour visiter le pays, on vous encourage à lire cet article sur les saisons jordaniennes et donc l’impact de la météo sur votre visite.
Et comme le Ramadan commence dans peu de temps, n’hésitez pas à relire notre article pour mieux gérer votre séjour durant cette période (qui ne gênent en rien la découverte du pays).
On vous rappelle aussi que dans la plupart des cas (sauf enfant de moins de douze ans, arrivée par Aqaba…), vous avez intérêt à prendre un Jordan Pass qui comprend le prix du visa et la plupart des entrées aux sites historiques. Vous gagnerez au minimum 20 jod. Pour en savoir plus sur le Jordan Pass et vérifier s’il est intéressant pour vous, n’hésitez pas à lire cet article.
Est-ce que certaines zones doivent être évitées ?
Notre précédent article sur la sécurité en Jordanie date de 2022 (carte de gauche) et sur la carte des zones à éviter les frontières du nord n’ont pas changé (source : ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères). Le seul changement en 2024 (carte de droite) correspond à la frontière avec Israël au niveau de la vallée du Jourdain. Pourquoi ? Car de nombreuses manifestations ou rassemblements ont lieu régulièrement vers le poste frontalier d’Allenby. Des protestants se rejoignent certains week-ends et marchent en direction de la frontière au niveau de la vallée du Jourdain. Il convient donc d’éviter la route 65 au nord de la mer morte principalement le week-end (pour rappel c’est le vendredi-samedi).
Source : Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères
Nous vous conseillons également d’éviter le centre-ville (basse ville) d’Amman le vendredi. Pourquoi ? Car c’est le jour de repos, jour de la grande prière et donc jour où les jordaniens se rencontrent et se regroupent. C’est le vendredi que des grandes manifestations de soutien à la cause palestinienne ont lieu. Si vous pouvez être ailleurs ce jour là, vous n’en profiterez que plus. Si vraiment votre planning ne vous permet pas de visiter Amman un autre jour que le vendredi, limitez vous à la citadelle et au théâtre et préférez le matin tôt avant la sortie de la grande prière (qui commence à 11h et fini autour de midi).
Donc, si on récapitule : Aucun soucis pour visiter Jerash, Ajloun et même Umm Qays dans le nord. On évitera la frontière nord, le site de Um al Jimal est en limite de la zone orange du MEAE. Le secteur des châteaux du désert, d’Azraq et même de Burqu sont accessibles sans restriction. Pas de problème pour se baigner sur la Mer Morte et rallier Dana, Pétra et le Wadi Rum. Aqaba est la ville la plus proche du conflit mais c’est aussi le seul port pour les exportations/importations pour le pays donc autant dire que les jordaniens ont tout intérêt à ce que la ville reste une zone sécurisée
Puis-je parler du conflit avec les jordaniens ?
Si un jordanien vient sur le sujet, libre à vous de lui répondre et d’exposer votre point de vue sur la situation tout en restant mesuré. Cela sera évidemment plus simple si votre sensibilité est plutôt pro-palestinienne, si non, mieux vaut, peut-être éviter le sujet. Rappelez vous qu’une grande majorité des jordaniens sont d’origine palestinienne et ils sont donc très touchés par ce qui se passe de l’autre côté de la frontière.
Est-ce que le pays est durement impacté par les évènements ?
Comme nous l’avons mentionné plus haut, la population jordanienne et le gouvernement soutiennent les palestiniens notamment en manifestant et en envoyant de l’aide à Gaza. On parle ici de soutien psychologique, humanitaire et diplomatique. Financièrement, le pays est durement touché puisque son économie repose en partie sur le tourisme et les exportations.
Lors de la guerre en Syrie, le tourisme en Jordanie s’était effondré. Il aura fallu attendre 2018-2019 pour retrouver un niveau d’avant-guerre. Puis le COVID a de nouveau plongé le secteur du tourisme dans le marasme. 2022 et 2023 voyaient les touristes revenir jusqu’aux attaques du 7 octobre… et de nouveau les voyageurs évitent le pays. Autant vous dire que pour les jordaniens qui vivent du tourisme, c’est une catastrophe. Rajoutez les attaques en Mer Rouge et la décision d’un certain nombre de compagnies maritimes de ne plus transiter par la Mer Rouge et c’est également le secteur de l’import/export qui est touché.
Bref, encore une fois, le pays n’a aucun intérêt à se mêler davantage au conflit en cours et les jordaniens (au moins dans le secteur du tourisme) sont plutôt soulagés de voir quelques touristes, ce qui leur permet de gagner un peu d’argent.
Quelles sont les règles de sécurité (et de bienséance) à respecter en Jordanie ?
Elles n’ont pas vraiment changé par rapport à notre précédent article sur la sécurité. On vous recommande de respecter les zones établies par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et ne pas aller dans les zones orange (et rouge évidemment). Ne cherchez pas à faire du tourisme humanitaire. De nombreux organisations humanitaires avec des professionnels formés sont déjà présents dans le pays et dans les camps de réfugiés. Ils n’ont pas besoin de touristes en mal d’aventure…
On respectera le code vestimentaire des pays musulmans : pas d’épaules dénudées, de décolletés plongeants, de vêtements trop moulants ou trop courts (y compris pour les hommes). Suivre ces recommandations notamment à Amman en basse-ville et à Aqaba (villes plus traditionnelles) vous éviteront des regards trop insistants. Toutefois, sachez que les regards seront quand même appuyés d’autant plus en cette période où le touriste se fait rare. N’y prêtez pas trop attention. Et vous serez d’ailleurs parfois surpris par la couleur des yeux de certains jordaniens : les yeux très clairs sont assez fréquents et surprennent.
Si vous voyagez avec des enfants (en dessous de 10 ans) pas de soucis, pour les adolescentes, elles devront laisser leur mini-shorts et crop-tops en France ;-). Préférez les chemises à manches longues ou mi-longues, les tuniques avec legging par exemple, les pantalons amples (pas de soucis avec les jeans) et les jupes/robes longues. Aucun besoin de se couvrir la tête à l’exception des visites de mosquées (grande mosquée bleue à Amman et mosquée blanche à Aqaba). On évitera tout propos ambigu ou sujet à interprétation sur la situation en Israël/Palestine/bande de Gaza.
On évitera les effusions sentimentales en public. Et on rappelle aux jeunes femmes que le pays a une vision traditionnelle des relations homme/femme (= pas de relations charnelles avant le mariage). Il n’est donc pas normal qu’un jeune (ou pas) jordanien vous propose (si vous êtes une (ou deux) femme(s) seule(s)) une rando, un dîner, une balade pour un magnifique point de vue à la tombée du jour si vous n’avez rien demandé… Il y a « anguille sous roche » ou « dromadaire sous grain de sable » surtout à Pétra où les jeunes hommes sont parfois très entreprenants…
On ne le répètera jamais assez 99% des jordaniens sont très accueillants et respectueux. L’accueil jordanien est pour beaucoup de touristes un véritable coup de cœur mais comme partout (et surtout dans les zones très touristiques comme Pétra), il y a quelques brebis galeuses…
On espère que cet article vous aura aidé à y voir plus clair sur la sécurité en Jordanie. N’oubliez pas que vous pouvez échanger avec des voyageurs sur notre groupe facebook et que si vous cherchez un guide de voyage, nous avons édité un guide pratique et avec tous nos meilleurs itinéraires, randos, astuces et coups de coeur.
N’hésitez pas à laissez un commentaire si vous avez des questions et bonne préparation de voyage en Jordanie.
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